Contrib:Et si l'on avait connu les TIC et le coopératif plus tôt ! : Différence entre versions

De Forum des Usages Coopératifs

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Pour plus d'informations : les ressources extérieures :-)
 
Pour plus d'informations : les ressources extérieures :-)
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|projet=Et si l'on avait connu les TIC et le coopératif plus tôt !
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Vous me pardonnerez d'aller chercher dans mes souvenirs de jeunesse, le contenu de cette contribution, mais comme dirait l'autre (Jean-Noël Jeanneney, Concordance des temps , France-Culture) : « Le coup d'oeil sur le passé vous donne des perspectives sur votre époque... ».
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En 1962, mon père céramiste (Ingénieur ENSCI – Ecole Nationale Supérieure de Céramique Industrielle de Sèvres), fils de céramiste (Ingénieur ENSCI) prenait la direction d'une usine où, près de 500 ouvriers produisaient du grès et de la poterie culinaire (moules à pâtés, saloirs d'1 à 250 kg, vinaigriers...).
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Soignant son mal-être d'ancien déporté-résistant (6 mai 1945 – Wôbbelin – 27kg), passionné par le dessin industriel et le bricolage, bâtisseur d'ateliers et de fours, intégrateur de technologies modernes (le gaz remplaçant le charbon, le convoyeur automatisé, le transport manuel, l'ordinateur – le premier «Burroughs » avait la taille de trois bureaux et ne gérait que le stock et les payes), il transformait l'usine au rythme des « Trente Glorieuses ».
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Quand il prit sa retraite, en 1987, malgré le premier choc pétrolier, l'usine qui n'employait plus que 90 personnes avait multiplié sa production par 100 et plus, même.
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En 2000, l'usine n'existait plus, victime du second choc pétrolier et de la délocalisation de la production vers la péninsule ibérique (une véritable tradition des arts du feu), d'abord, vers l'extrême-orient (qui n'est pas mauvais non plus).
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Si vous voulez savoir ce qu'il en est en 2014, il vous faudra soit lire l'analyse que je fais de ces considération somme toutes très personnelle, soit sauter directement au dernier paragraphe. Cette histoire à une chute !
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Territoire virtuel sur territoire réel
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Pour être en phase avec le sujet de Forum, il faut savoir que cette usine s'insérait dans un territoire réel ainsi que dans un territoire virtuel.
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Le virtuel d'abord, même si ce virtuel procède bien du réel : celui d'une filière économique, celle de la céramique. Le réel : le sud de la Bourgogne, aux limites du département de la Saône-et-Loire.
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Après la Guerre de 1870, des industriels alsaciens et lorrains, chassés de leurs département par l'annexion par l'Allemagne des deux régions de l'Est, s'installaient au cœur de la France parce qu'ils y trouvaient les meilleurs conditions pour reprendre leurs activités : la matière première (le kaolin), l'eau grâce à la Loire et à ses nappes phréatiques, le feu grâce au charbon de Montceau-les-Mines (pas bien écologique en raison du fort taux de souffre qu'il dégageait en brûlant. Ajoutez à cela l'accès aux réseaux de transports que sont les canaux (Latéral à la Loire, du Rhône au Rhin) idéaux pour le transport des pondéreux et une gare de chemin de fer important pour l'exportation des produits finis.
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Sur ce territoire idéal, la filière céramique avait présente quasiment toutes ses composante (Faïence, Grès, Poterie, Blanc sanitaire, carreaux, tuiles, briques..... l'Eternit, même) seuls manquaient à l'appel, la Porcelaine réservée à Limoges et le Verre.
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Entre réel et virtuel existait un « Réseau social », celui des dirigeants et des ingénieurs de ces usines, tous formés au même moule, l'Ecole Nationale Supérieure de Céramique Industrielle de Sèvres, à l'époque on aurait dit « une mafia des Grandes Ecoles ». Soit qu'ils aient partagé les mêmes bancs (deux camarades de promotion pour mon père), soit qu'ils y retrouvaient leurs « anciens » (sur une plage d'une quinzaine d'années), les relations sociales étaient fréquentes entre eux en semaine comme le week-end (barbecues et autres fêtes).
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Ce « réseau social » était probablement moins vrai pour les ouvriers, chaque composante de cette industrie ayant ses savoirs faire spécifique, le faïencier fréquentait peu le potier, le tuilier, le briquetier et déjà celui qui travaillait sur l'amiante (Eternit) inspirait la méfiance.
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En dehors du fait que je n'étais pas trop amateur de la vie provinciale de petites villes industrielles, la vie y était plutôt heureuse. Aujourd'hui, le bassin d'emploi est un bassin sinistré.
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Ah, s'ils avaient connu les TIC et le travail collaboratif
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Mon père avait l'habitude de dire qu'il était bon de travailler pour la cuisine, tout le monde devant manger quotidiennement. Pourquoi donc, sur ce territoire idéal, cette industrie a-t-elle, aujourd'hui pratiquement disparu.
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On pourrait avoir recours à l’Uchronie et imaginer ces territoires réels et virtuels reliés par le réseau Internet et disposant des outils dont nous disposons aujourd'hui.
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A défaut, les hommes disposaient des outils de communication de l'époque, le téléphone et le courrier, et surtout, ils se rencontraient physiquement. Ils disposaient donc de la capacité de communiquer entre eux. Pourquoi donc cette capacité n'a-t-elle pu profiter au maintien de cette filière sur son territoire.
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A mon avis, la première cause est le modèle éducatif français. Quand bien même on favorise, la « camaraderie », les étudiants étaient (et sont sans doute encore en particulier dans le primaire et le secondaire) placé dans une compétition où l'échange et le collaboratif ont peu (sinon pas) de place. Comment envisager de collaborer quand vous êtes en permanence soumis à une évaluation visant à vous hiérarchiser. Vous avez beau entretenir les meilleurs relations avec vos copains de classe, à la sortie, il vous faudra faire la différence.
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La seconde cause me semble être une culture du secret mal comprise. Il est logique qu'un industriel, qu'une industrie cherchent à protéger leurs secrets de fabrication, ses projets, voir ses résultats (là, je suis moins sur de la nécessité. Mais quand, représentant, dans la même filière, des entreprises n'étant pas en concurrence frontal (acheter un bock à bière en grès ne met pas le fabriquant de « chiotte) voisin en péril, pourquoi n'avoir su partager les contacts commerciaux, les achats, la recherche. Sans doute, l'époque contemporaine résout-elle cette question via les « Clusters » et les « Pôles de compétitivité », mais j'ai quand même, du fait de mon expérience professionnel, toujours des doutes sur les progrès dans cette culture du partage.
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Une petite anecdote : Toutes ces usines recevaient tous les ans, à des dates différentes, l'acheteuse d'une grande centrale d'achat britannique. C'était déjà une vieille dame qui recevait dans la salle d'un restaurant (étoilé Michelin) assumant, durant sa journée de travail, la consommation d'une entière bouteille de Whisky (et pas du Whisky de Supermarché). Jamais personne n'avait imaginé pour épargner à cette dame les affres des transports de l'époque (je ne parle pas de sa consommation d'alcool), de se regrouper pour l'accueillir dans des conditions encore meilleurs (les acheteurs sont des partenaires à choyer).
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Mais à la mode des TIC, bien d'autres choses auraient pu être partagé : les contacts, le calendrier, la veille technologique, les méthodes, les achats. On sait que l'on sait, aujourd'hui, le faire. Aujourd'hui, je rêve à ce que j'aurai pu leur proposer grâce à BuddyPress... tout en continuant à m'interroger à ce qu'ils en auraient fait. On peut pour des motifs de modernité intégrer la Publicité, le Marketin, les Technologies de l'Information et de la communication tout en ne sachant pas en tirer, d'une manière efficace. Pour avoir suivi comme observateur plusieurs programmes de formation des élus, des fonctionnaires, mais aussi des TPI/TPE et PMI/PME, je peux en témoigner.
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Force est de constater que beaucoup de responsables quelques soient leurs objet, sont « le nez dans le guidon » de leur spécialité et que quand bien même, pour les nouvelles générations, elles seraient sensibilisés aux usages des TIC, sont encore loin des usages à l'égal de ceux qui les ignoraient parce qu'ils n'avaient pas encore été inventés.
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Les freins sont nombreux : le temps disponible, le manque d'information et de formation, l'accès à l'exemple, le « jouer avec » (jouer n'est pas sérieux, passé le cours préparatoire, et avant le Sérious Game, il ferait sans doute bon de repasser tous les décideurs au « Logo » et à sa sortie – avec compétition à la clef), la solitude,... (remarquez que l'on parle de moins en moins de « fracture économique » s'agissant des usages de l'Internet et des TIC).
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Le « Médiateur numérique » a donc aujourd'hui toute sa place dans la mutation des filières ou des communautés professionnelles et sociales ainsi que dans celle des territoires réels. Encore faut-il en faire sa promotion auprès des pouvoirs publics et des leaders d'opinions (je pense en particulier aux responsables des Fédérations professionnelles ou associatives). Comme la perle se construit autour d'un intrus au cœur de l'huitre, faisons du « Médiateur numérique » un intrus puis un agitateur brownien au cœur des territoires réels et virtuels.
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La Chute
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Chose promise, chose due.
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Le produit que fabriquait mon père le plus connu par le grand public est aujourd'hui produit en extrême-orient. Il  ne vaut que quelques centimes d'euros sorti d'usine et est encore utilisé par la grande industrie agro-alimentaire. Alors, il faut le faire venir en conteneurs via Suez, pour les petits porte-conteneurs, par Le Cap, pour les plus gros. Les charger sur des barges pour le faire remonter le Rhône et la Saôone, les charger sur les camions pour les amener là où il seront valorisés par le produit qu'ils sont destinés à contenir.... et un Boeing 747 Cargo en ramène une partie, toute les semaine, à l'extrême de l'Orient.
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Bonjour le « Coefficient Carbone ».
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Quelque Polytechnicien, Enarque, Hec, a bien pensé faire transporter la valeur ajouté du produit vers l'Orient et d'utiliser le pondéreux sur place. L'idée ne semblait pas mauvaise, le transport du produit riche étant nettement plus facile. Mais bien mal lui en a pris. Les japonais ne voulaient plus le produit parce qu'il n'était plus estampillé « France ». Je ne suis pas du genre cocorico.... mais il ne viendrait pas l'idée de boire de Saké « Made in France ». Les identités territoriales ont encore un sens même dans et, peut-être surtout, dans la mondialisation.
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Circuits cours et ESS
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Dernière chute.
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En 2014, l'usine a connu une renaissance et compte une vingtaine de salariés qui alimentent restaurants, charcutiers, public. Une relocalisation est donc possible.
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Je l'ai découvert du côté de Montauban, à l'occasion d'une foire locale. Naviguant entre les stands, j'en découvre un portant le nom de la raison sociale de l'usine que dirigeait mon père.
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Après entretien avec la jeune femme qui tenait le stand, des ateliers et des fours étaient de nouveau en service. Quand à elle, elle montait régulièrement en Bourgogne avec son camion, pour renouveler le stock qu'elle vendait sur les marchés. A cette occasion, j'ai appris, qu'en matière de poterie et de grès, les besoins étaient différents en Aveyron, dans le Tarn, dans le Cantal ou dans les Hautes-Pyrénées....  Les villages gaulois, surtout s'ils sont un peu métissés, ne sont pas encore morts.
 
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Version du 15 avril 2014 à 18:06

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