Contrib:Plus y'a de technos, plus on gagne du temps ... et moins on en a !

De Forum des Usages Coopératifs

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Forum des usages, édition 2014

une contribution de Cazeneuve Philippe

Description du projet

3 questions à Philippe Cazeneuve, qui présente une conférence gesticulée sur l'accélération du Temps. Pourquoi avoir choisi ce thème ? J'ai passé 25 ans de ma vie professionnelle à accompagner le développement des technologies de l'information et de la communication, dans l'éducation et la formation, dans la sphère du travail, puis avec le boom de l'internet, dans la vie de tous les jours. Militant d'un Internet citoyen et non marchand à la fin des années 90, je ne me retrouve pas dans la privatisation actuelle du Net qui s'opère au profit de sociétés monopolistiques : Google, Apple, Facebook, Amazon, … La lecture du livre du sociologue allemand H. Rosa sur l'Accélération du temps a été un déclic. Il met en lumière un paradoxe : plus il y a de technos, plus ça va vite, plus on devrait gagner du temps … mais moins on en a ! J'ai eu envie d'attirer l'attention sur la nécessité de trouver à ces technologies envahissantes, une place équilibrée dans nos vies et dans notre société. Les technologies ont donc un impact important sur le temps qui s'accélère ? Même si d'autres facteurs influent, le développement technologique, et en particulier dans le domaine du numérique, joue un rôle prépondérant. Lorsqu'un courrier arrivait par voie postale dans une entreprise, on disposait de deux jours pour répondre. Avec le fax, il fallait répondre avant le lendemain, avec le mail dans les heures qui suivent, avec les textos dans la minute ! Tout comme les performances des ordinateurs, le nombre de messages qui transitent par les réseaux, la quantité de données stockées sous forme numérique, le volume de transactions financières opérées sur les bourses mondiales … connaissent des croissances exponentielles. Au point, que l'humain a en partie perdu le contrôle de la technologie, qui semble « s'auto-accroitre en suivant sa propre logique », comme le prévoyait déjà Jacques Ellul dans les années 70. Comment faire pour freiner et ralentir ? On peut avoir recours à des solutions individuelles : siester, méditer, marcher, … mais si ces « bulles de décélération » contribuent à notre équilibre, elles agissent comme des soupapes … qui permettent au système de continuer à perdurer. Il y a le risque que les individus qui résistent moins bien à la pression croissante soient culpabilisés (« tu es mal organisé.e, tu gères mal ton temps ... »). L'exigence de productivité ne cesse d'augmenter pour celles et ceux qui ont un emploi, lesquels seront de moins en moins nombreux à l'avenir, car l'automatisation accélérée par l'omniprésence du numérique dans notre quotidien nécessitera moins de main d'oeuvre. Les solutions efficaces dans la durée sont collectives : organisation du travail, organisation des temps de vie, modèles économiques alternatifs appréciant la plus-value d'un projet autrement qu'avec des critères financiers. Comme le dit Paul Virilio, la vitesse est intimement liée à la modernité, il va être difficile de s'en passer sans donner l'impression de revenir au Moyen-âge. Mais il ne faut pas confondre Vitesse et Accélération. C'est la recherche d'accélération permanente (cad de croissance) qui pose problème dans notre société post-moderne. L'accélération est un modèle dynamique basé sur le déséquilibre, qui consomme énormément d'énergie. Ce n'est pas un modèle viable, même à moyen terme.

Conférence gesticulée « TIC#TAC, Le Temps c'est de l'Argent » [1]


Harmut Rosa, Accélération. Une critique sociale du temps, La Découverte, Paris, 2010. Jacques Ellul, Le système technicien, Calmann-Lévy, 1977. Paul Virilio, Le grand accélérateur, Ed. Galilée, 2010.

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