Contrib:De l'usage des TIC en coopération dans le contexte d'une langue peu répandue

De Forum des Usages Coopératifs

Forum des usages, édition 2012

une contribution de Rogel Christian

Présentation

Christian Rogel, chargé des questions numériques à l'Institut culturel de Bretagne, mandataire territorial OpenStreetMap France, diplômé d'études celtiques.

Description du projet

Si vous êtes locuteur d'une langue devenue rare comment et où trouver des alter ego ayant envie de communiquer avec vous? S'agissant du breton, le nom propre de la langue, brezhoneg, est un guide efficace, mais l'adjectif brezhonek (= qui utilise le breton) peut être aussi un repère. Autrefois, le privilège de l'alphabétisation était celui des classes supérieures qui l'obtenait par une scolarisation en français, porte de la lecture en breton ou, pour la masse paysanne, par les cours de catéchisme en breton avant 1939, mais, maintenant, il s'agit d'une démarche volontaire, soit des apprenants adultes dans les nombreux cours du soir (environ 5 000/an), soit des parents qui mettent leurs enfants dans l'enseignement presqu'entièrement ou partiellement en breton (plus de 14 000 élèves en 2012).

L'ɶuvre collaborative la plus vaste est, sans conteste, le Wikipedia brezhonek "[1]", ouvert en juin 2004 et qui atteint , au début de juillet 2012, 49 940 pages de références avec un rang honorable de 62ème pour une langue parlée par 200 000 personnes, dont une minorité sachant l'écrire. Parallèllement au Wikipedia en breton, existe le Wikeriadur [2], un dictionnaire collaboratif.

En 2007, le Conseil général du Finistère a fait traduire l'interface d'une plate-forme "libre" de blogging, Nireblog, dans le but de fournir un outil aux écoles et aux collèges où le breton est langue d'enseignement. L'outil est utilisé dans une dizaine d'établissements secondaires et dans autant d'écoles primaires. L'un des plus réussis est celui du collège Diwan Jakez Riou, à Quimper, [3]. Bien que, lors de l'extinction de Nireblog, c'est Wordpress qui ait été offert comme récupération, mais Overblog, qui permet les bandeaux publicitaires et doit sembler moins complexe, semble très populaire chez les brittophones.

Les blogs des adultes sont, comme ailleurs, une denrée périssable et on peut citer comme exemples actuels, le blog des candidats sur le site de l'Union démocratique bretonne, par exemple, celui d'Anne-MarieKervern,adjointe au maire de Brest [4]), ou kantreadennoù [5] qui parle de musique et de bandes dessinées, et, plus léger dans le ton, Plijahudur "[6]" qui évoque, par son nom même, des sujets très grivois. http://yann1.typepad.com/blogyann/, qui est très actif, donne accès à un fil Twitter, dans lequel l'auteur du blog, sous le pseudo de Yann Hencher (Jean le Guide), s'exprime sous le hashtag #ebrezhoneg pour y commenter l'actualité. Il existe aussi les hashtags #bzhg, #breton, #brezhoneg pour rallier les Twittos brittophones, ainsi que les fils personnels ou institutionnels #hunvreour, #KeitVimpBev, #geekezig, #GaelRoblin, #DivYezhBreizh,#BenoitLadan, #stlabez_edern, #sylvainBer, #domduff, #c2m,#Lecuyer7Seizh, #MaKgonagall, #AnthonyLeCrom, #GwennCaradec, #SkolDiwanPariz, #JeanLucBleunven (c'est un député brittophone), #PaulMolac2012 (c'est un autre député brittophone), #JBRaMez, #KanompBreizh et bien d'autres.

Une association basée à Vannes, An Drouizig [7] (Le petit Druide) s'est lancée depuis plusieurs années dans la localisation en breton de nombreux logiciels, dont OpenOffice, LibreOffice, Firefox, Thunderbird, Gimp, Inkscape, FileZilla,etc., et dans la réalisation de jeux et de logiciels originaux comme un assistant de confection de mots-croisés, ainsi qu'un correcteur orthographique pour MS Office 2010. Elle vient de mettre aussi à disposition 12 livres en breton numérisés au format e-pub [8] .

Le public visé est l'enseignement en breton et les médias en breton qui voient arriver la nouvelle génération instruite en breton et très au fait des TIC. Rien d'étonnant à ce quelle réclame de plus en plus d'outils avec une interface en breton, comme une interface Facebook en breton : la page Facebook e brezhoneg a réuni 12 618 membres en 4 mois. Plus restreint, le réseau social créé par EduBreizh [9] ne concerne que les apprenants de cette société de Morlaix qui vend des cours de breton en ligne. Explications données par EduBreizh : «Nous avons raisonné la construction de la plateforme Edubreizh.com comme un réseau social pour les apprenants. Cette approche présente plusieurs avantages pour celui qui apprend le breton à distance sur Internet. L'une des principales difficultés lorsque l'on apprend à distance est l'isolement. Le réseau rassemble et relie les apprenants les uns aux autres. A la manière des réseaux sociaux de type Facebook, le réseau d'apprenant stimule les échanges, rompt l'isolement et apporte de la motivation.»

Alphonse Nandert, par un travail considérable de programmation et de numérisation, a mis en route deux projets révolutionnaires pour l'apprentissage des langues et les a appliqués au breton. Les projets de logiciels http://www.framasoft.net/article4442.html (Recherche, en breton) et http://www.framasoft.net/article5069.html (diabolique) sont sous licence GPL et les textes inclus sous CC-By-SA, tandis que les enregistrements sont en Orgg-Vorbis, mais les applications ne sont opérables que sous Windows.

Ecoutons l'auteur, lui-même : «Le but principal du projet Furch est l'écriture d'un logiciel capable d'afficher un texte écrit en breton, mais tel qu'un clic sur un mot vous enverrait dans un dictionnaire avec la traduction du mot en français en anglais. Le logiciel a été écrit mais le dictionnaire breton/français/anglais qui est nécessaire est une tache énorme et seul le vocabulaire présent dans une nouvelle de Jakez Riou y a été introduit jusqu'à présent. Un second objectif de ce projet est la transcription de livres en breton traditionnel sous une forme lisible à l'ordinateur. A présent (2009), trois de ces livres peuvent être téléchargés. Diaoulek est un logiciel qui vous permet d'apprendre et de réviser du vocabulaire lorsque vous étudiez une langue. Votre vocabulaire est organisé en petites leçons et le logiciel affichera de façon aléatoire les "Questions" (les mots dans la langue que vous apprenez) et les "Réponses" (la traduction dans la langue de référence). Cependant, ce processus aléatoire est fortement biaisé vers les mots que vous avez le plus de mal à apprendre. C'est l'un des aspects (gentiment) "diaboliques" du logiciel et c'est rendu possible car vous lui dites par des clics gauches ou droits de la souris si vous connaissez les mots. Le logiciel enregistre les clics et leurs dates. Cela lui permet de calculer la probabilité pour qu'un mot (ou une expression) ait été oublié, en tenant compte de la date de dernière révision et de vos réponses. Le logiciel est aussi capable de calculer des leçons composites faites de mots que vous avez très probablement oubliés. Les deux directions "Questions" vers "Réponses" et "Réponses" vers "Questions" sont considérées comme indépendantes car une langue doit être étudiée dans les deux sens. Les mots peuvent recevoir des étiquettes, ce qui vous permet de réviser les noms d'oiseaux, d'animaux, du corps, de la maison etc... Les leçons peuvent aussi être accompagnées de fichiers audio, ce qui permet des interrogations orales. Vous pouvez utiliser le logiciel Diaoulek pour n'importe quelle langue, mais vous aurez à écrire vos leçons. Ce sont de simples fichiers textes et tout est expliqué dans la documentation (seulement en français pour l'instant). Cependant des leçons breton vers français sont disponibles avec les fichiers audio, ce qui constitue une base de données d'environ 2500 entrées. Si vous êtes un francophone commençant à apprendre le breton, vos leçons personnelles seront souvent faites par de simples actions de copier/coller. Le logiciel Diaoulek est aussi capable d'afficher des leçons traditionnelles, ce qui permet à votre ordinateur de devenir une sorte de livre qui parle.»

La plate-forme libre Apertium [10] est ainsi définie par ses promoteurs qui sont espagnols (Université d'Alicante, société Prompsit et Généralité de Catalogne)  : «Apertium est une plate-forme de traduction automatique libre/de code source ouvert. Initialement conçue pour des paires de langues apparentées, Apertium a été récemment développé pour d'autres paires de langues plus éloignées (comme l'anglais–catalan). La plate-forme fournit un moteur de traduction automatique indépendant d'une langue quelconque, des outils pour gérer les données linguistiques nécessaires pour construire un système de traduction automatique pour une paire donnée des données linguistiques pour un nombre toujours croissant de paires de langues.» Parmi les 29 paires de langues se trouve celle du breton vers le français et aussi français-esperanto, mais l'anglais, le danois, l'occitan, le macédonien, le gallois et le néerlandais ont leur place à côté des langues régionales d'Espagne. On peut devenir développeur Apertium pour créer ou développer une paire de langues. Voir le wiki en anglais : http://wiki.apertium.org/wiki/Main_Page

Les développements des TIC et spécialement les développement collaboratifs fournissent donc de plus en plus d'outils aux locuteurs des langues les moins répandues. Que cela puisse inverser la tendance à la disparition de nombreuses langues, comme le signale fréquemment l'Unesco et pour lesquelles la Fondation Google vient de fournir une plate-forme de collecte de ressources est une question encore plus ouverte que les logiciels utilisés.

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