Contrib:Transformer l'offre de participation publique en partant des préoccupations concrètes des habitants

De Forum des Usages Coopératifs

Forum des usages, édition 2014

une contribution de Chretien Didier

Présentation

Didier Chrétien. Je suis consultant-formateur auprès de collectivités locales de structures territoriales, de réseau associatifs, depuis plus de 15 ans, en Bretagne mais aussi bien au-delà. J'accompagne des démarches participatives de projets de territoire et/ou d'évaluation. Voir par ailleurs mon site www.acteas.coop Je suis par ailleurs élu local et membre du collectif citoyen Pour ! à Landéda (Finistère) http://www.pour-landeda.fr

Description du projet

TRANSFORMER L'OFFRE DE PARTICIPATION PUBLIQUE EN PARTANT DES PREOCCUPATIONS CONCRETES DES HABITANTS

Cette contribution reprend les conclusions d’un atelier auquel j’avais participé le 23 octobre 2013 à Rennes « Du pouvoir de co-élaborer au pouvoir d'agir », organisé par l'Unadel http://www.unadel.asso.fr. La majorité des participants étaient issus de Conseils de Développement. A partir du constat que l’offre institutionnelle de participation s’adresse à un public averti laissant de côté une part importante de la population, la question suivante leur était posée : « Comment éviter la construction des entresoi, adapter les méthodes à la diversité des publics et des enjeux pour développer un mieux vivre ensemble ? » Voilà les réponses des participants. Toutes ces propositions ne font pas appel à des outils numériques, loin s’en faut. Mais certaines peuvent y faire appel.

DES METHODES POUR EVITER L'ENTRE SOI

➢ Aller vers : profiter du temps de refondation des Pays (loi Voynet) pour élargir la diversité des membres des conseils de développement en allant à leur rencontre. ➢ Elargir les cercles : ne pas hésiter à élargir les cercles quand on travaille sur une question. On peut travailler avec « un petit noyau » de personnes, proposer des temps spécifiques à un plus grand cercle, et aller avec (des outils adaptés) vers un public encore plus large… ➢ S’ouvrir à d’autres formes de langage et d’expression : sortir du langage trop institutionnel, proposer d’autres formes d’expression que le seul écrit : dessin, maquettes, vidéos, enregistrement, scénettes de théâtre, forums via Facebook etc… ➢ Connaître les « ailleurs » : faire des visites ailleurs (c’est-à-dire hors du cadre formel de la réunion en salle) et aussi au sein du territoire, il faut aller voir les gens là où ils vivent. Constituer des bases de données d’expériences (outil Pearltrees, ..) ➢ Utiliser le tirage au sort : les tirages au sort permettent de favoriser la participation de publics habituellement peu présents dans les instances. On organise un tirage au sort dans le cadre d’un processus participatif, puis, lors d’un entretien, il est proposé aux personnes tirées au sort de participer dans un cadre précis : exemple : une consultation, un débat autour d’un sujet conflictuel… Toutefois, il ne faut pas s’attendre, à l’issue du tirage au sort, à une mobilisation quantitativement importante de la part de gens non informés ni volontaires au départ. ➢ Intégrer de la progressivité : l’implication se construit « pas à pas » au gré « de petite victoires » qui sont rassurantes pour les participants, via des avancées concrètes. Pour certains publics on peut commencer par les solliciter autour de choses concrètes et courtes. Par exemple, on propose à des enfants de choisir les couleurs d’un équipement). Et ces petites choses que l’on peut multiplier, vont donner le goût et l’habitude aux personnes de participer. On pourra proposer après des participations plus approfondies. Un petit projet peut être support d’une réflexion partagée, d’une éducation partagée, avec des enjeux plus complexes et qui demanderont davantage de temps ➢ Organiser des débats publics de citoyens : organiser des débats publics avec une assemblée citoyenne , le tout avec un cadre et une méthode d’animation précise. ➢ Rencontrer les associations avec les élus : constituer des binômes « élu municipal – membre du conseil de développement » et aller à la rencontre des associations et de leurs membres pour les écouter et parler du territoire et de la participation. ➢ Rencontrer la population avec les élus : au côté des élus, nous pouvons investir des lieux et des temps de la vie publique pour communiquer avec les habitants (exemple, organiser une remise des cartes d’électeur aux jeunes, utiliser les vœux de manière décalée, organiser avec eux un temps pour l’accueil des nouveaux habitants, participer autrement à la fonction d’accueil) ; ➢ Rites, célébrations : Notre société locale a besoin de réinventer des rites locaux qui permettent de se sentir en communauté,… Allons chercher les idées, proposons, participons. ➢ Réseaux sociaux : Investir les réseaux sociaux pour communiquer et échanger. On peut aussi en créer facilement (exemple plateforme collaborative) et ils peuvent être ludiques pour mieux « faire le buzz » ; il y a des outils accessibles à tous, et même des outils destinés aux personnes qui maîtrisent mal la langue.

ALLER VERS LES JEUNES, LES ETABLISSEMENTS SCOLAIRES, LES ORGANISMES DE FORMATION ? ➢ Développer l’éducation citoyenne : utiliser des espaces éducatifs partagés, profiter de la réforme scolaire pour encourager les projets éducatifs locaux et l’ouverture à des intervenants pouvant parler de ce que signifie la citoyenneté (conjugaison des droits, des devoirs et du pouvoir de changement). ➢ Proposer des modules pour les établissements scolaires : Les conseils de développement peuvent préparer des modules et les proposer aux établissements scolaires présents sur le territoire en impliquant les enseignants volontaires dans cette démarche (primaires, collèges, lycées d’enseignement général et technique, formation supérieure… ➢ Encourager des espaces d’initiatives des jeunes : services civiques ➢ Rencontrer les jeunes avec les élus : leur proposer des jeux de rôles par petits groupes entre eux pour les faire réfléchir et s’exprimer, puis organiser une rencontre avec les élus (à Nantes ce sont les têtes de listes mais ce peut être hors élections et des Volontaires du service civique ont aidé pour cela).

APPREHENDER LES ENVIES DE PARTICIPATION, DE REVENDICATION ET LES CONFLITS : ➢ Du courage politique : On ne sait pas toujours ce qui va sortir des démarches participatives, cela suppose une posture d’accueil courageuse pour les élus (exemple du SDF qui a construit une cabane en bois sur une place bordelaise pour y jouer de la musique… Les élus ont accepté et encouragé, puis la cabane améliorée est devenue un lieu d’échange et de culture…). ➢ Ne pas fuir le conflit : Il ne faut pas confondre conflit et dispute. Le conflit est un élément fondamental. Les habitants doivent pouvoir exprimer ce qui pose problème, revendiquer, poser un conflit. Le conflit fait aussi sens. C’est aux acteurs impliqués dans des débats et pratiques participatives générateurs de conflits de proposer des cadres qui permettent de mettre au jour les tensions en présence, de rassurer et de sécuriser, pour parvenir à l’écoute, au dialogue et aux consensus productifs. ➢ Organiser « des randonnées des mécontents » ? C’est un exemple d’idée originale et sympathique qui peut être facilitée par les conseils de développement via quelques prérequis et qui permet à un groupe de personnes, d’exprimer un mécontentement de manière ludique et créative.

➢ Aborder les sujets sensibles : et utiliser des outils et méthodes de types « médiateurs » pour parler de sujets conflictuels ou délicats (exemple le théâtre inter actif, théâtre forum…).

COMMENCER PAR DES « MINI » DEMARCHES ➢ Partir des préoccupations de la vie quotidienne : mener avec les gens des « petites démarches » qui se traduisent rapidement par des avancées. Par exemple, en travaillant sur l’habitat de centre-ville où il existe souvent un gros problème : le manque de jardin, on peut vite déboucher sur un projet de jardin partagé puis le mettre en place collectivement. ➢ Améliorer la connaissance du territoire local : via des visites en groupe, des diagnostics « en marchant », des cartographies sensibles (outil open street map). ➢ Des moyens qui doivent être prévus à l’avance : Avoir pour cela des mini budgets votés à l’avance (« budgets flash ») ainsi que du temps d’accompagnement et un peu d’accessibilité au matériel et aux lieux… ➢ Gouvernances thématiques : organiser des gouvernances précises en associant des personnes concernées autour de problèmes vécus : par exemple les problèmes de crèche, de bus…

FORMER LES ACTEURS INSTITUTIONNELS A UNE PEDAGOGIE D’INTERVENTION ADAPTEE ➢ Former : les services des collectivités et EPCI devraient utiliser et tester les outils et méthodes d’animation participatives, il faut développer les formations en ce sens. ➢ Adapter le langage : adapter le vocabulaire territorial et administratif souvent incompréhensible pour les habitants. Cette « traduction » peut être aussi un rôle des conseils de développement. ➢ Eduquer au territoire : les acteurs institutionnels devraient faire des efforts pédagogiques pour rendre plus compréhensible l’organisation administrative et institutionnelle du territoire. Mais attention, peut-être ne faut-il pas en attendre trop car cette organisation restera toujours complexe…

DONNER DES REGLES ET DES CADRES A LA PARTICIPATION PUBLIQUE : ➢ Droit au rêve : Attention mettre aussi dans les cadres le droit au rêve, à la créativité, à l’ailleurs et aussi aux escapades « hors cadre », nécessaires pour innover (tout ne doit pas être trop et tout le temps rationnel). Créer, c’est oser imaginer sortir des chemins battus, cela ne signifie pas qu’à terme on ne sache pas choisir ce qui est à la fois « souhaitable et réalisable ». ➢ Boite à fantasmes : Rassurer à propos de l’idée qui consiste à dire que d’ouvrir la participation c’est ouvrir « la boite à fantasmes » et que cela fera des déçus et retombera sur les élus qui, bien entendu, ne peuvent pas répondre à tout faute de moyens. ➢ Accepter le droit à l’erreur et à l’expérimentation : les projets « recevables » par les pouvoirs institutionnels sont souvent contraints par une obligation de résultats sur des objectifs trop précis. Ne pourrait-on pas procéder par étapes, pour favoriser l’implication ?

➢ Proposer des cadres : Donner (ou mettre au point ensemble) pour chaque processus de participation, le cadre correspondant (objectifs, règles du jeu, limites) et toujours donner le retour aux participants (donner à voir que l’on a pris en compte leur travail), pouvoir évaluer après coup un résultat et évaluer toujours la satisfaction des participants. ➢ Engagement institutionnel et reconnaissance des idées des habitants : l’institutionnel doit laisser une vraie marge de manœuvre aux réalisations issues des idées des habitants. ➢ Interlocuteur interface : Il serait intéressant d’avoir un interlocuteur interface entre l’institution et la société civile participante, pour des réponses claires sur la prise en compte des propositions (il ne faut pas de discours compliqués, administratifs, pleins d’hypothèses, hachés entre renvois à d’autres instances ou d’autres temps … sous peine de fuites et déceptions rapides des gens qui ont participé).

RENOUVELER LES OUTILS ET FORMES DE RENDEZ-VOUS : ➢ Ne pas limiter au cadre de la réunion : aller chercher les gens là où ils sont sans nécessairement proposer de réunion (l'expression en réunion est très dure pour beaucoup...). ➢ Convivialité : ne pas rater le convivial un peu décalé (une forme de rencontre et un lieu sympathique, du café ...). ➢ Originalité : se lâcher sur les modes d'animation, d’entrée en connaissance interpersonnelle (exemple, speed-dating colères/envies...). ➢ Dépasser les étiquettes : savoir gommer les statuts pour se connaître et se reconnaitre autrement (et ainsi mettre les nouveaux participants en confiance). ➢ Outils d’expression variés : trouver notamment des formes d’expression variées pour les participants (photo langage, forum ouvert…). ➢ Adaptation aux publics, à leur culture : adapter les formes de participation aux publics pour installer la confiance (exemple NTIC pour les jeunes). ➢ Invitations « accrocheuses » : revoir les formes et les outils d’invitation (on peut utiliser les réseaux sociaux, la rue, des flyers, des messages radio, des animations « porteurs de parole…) ; revoir les titres des rencontres proposées (sur les titres, c’est difficile pour un habitant de comprendre ce que c’est, et cela ne donne pas envie). ➢ Rassurer : mettre en confiance, prévenir la peur légitime d’être jugé.

Ressources