Contrib:Les pratiques collaboratives, vecteur de nouvelles solidarités sur les territoires ?

De Forum des Usages Coopératifs

Forum des usages, édition 2016

une contribution de Lanselle Victor

Présentation

Victor Lanselle, étudiant en Master ESS, je travaille depuis novembre 2015 avec Collporterre sur le programme Domino au sein duquel j'ai participé à l'état des lieux sur le pays de Redon et le pays de Morlaix ainsi qu'aux ateliers de travail régionaux.

Description du projet

Le programme Domino s’est donné pour objectif d’outiller les acteurs locaux désirant faire des pratiques collaboratives un levier de développement durable pour leur territoire. Dans le cadre de cette recherche-action, des ateliers mensuels réunissant une diversité d’acteurs de Bretagne et de Loire-Atlantique ont eu lieu de septembre 2015 à juin 2016. Ces rencontres ont permis aux participants d’explorer collectivement les enjeux liés au développement des pratiques collaboratives. Cet texte est un résumé d'une contribution collective issue des réflexions ayant eu lieu au cours de ces ateliers autour de la thématique suivante : “Les pratiques collaboratives, vecteurs de nouvelles solidarités sur les territoires ?”


A/ Les enjeux que nous avons identifié.


Nos premiers échanges nous ont amenés à nous interroger sur les formes de solidarités induites par le développement des pratiques collaboratives. En quoi le fonctionnement en pair-à-pair, caractérisant les pratiques collaboratives, induit-il des formes de solidarité particulières ?

 - Dans quelles mesures les pratiques collaboratives permettent-elles de dépasser une lecture de la solidarité par l’assistanat ?
 - Passer d’un statut de bénéficiaire à celui de bénéficiaire-contributeur : un levier de renforcement du pouvoir d’agir ?

Au delà de la caractérisation de ces solidarités, il a aussi été souvent question des leviers d’action envisageables, des éléments pouvant favoriser le développement de pratiques collaboratives vecteurs de solidarités :

 - Quelles sont les conditions nécessaires pour faire des pratiques collaboratives une source de solidarité entre individus ?
 - Quelle équité d’accès aux pratiques collaboratives ? 


B/ Ce que nous souhaitons partager.


La solidarité comme une externalité positive des pratiques collaboratives.

La solidarité ne nous semble pas devoir être appréhendée comme l’objet premier des pratiques collaboratives. En effet, elle ne nous apparaît que comme une conséquence de l’organisation de ces communautés et des différentes activités développées. Ainsi, décréter la solidarité pour initier des pratiques collaboratives peut avoir un effet contraire et s’avérer contre-productif. L’enjeu pour ces initiatives nous a semblé résider dans la préservation et l’entretien des différents mécanismes de réciprocité à l’oeuvre. Ces mécanismes, lorsqu’ils permettent la contribution de tout un chacun, semblent pouvoir permettre l’instauration de relations plus horizontales en dehors des relations sachants/appprenants, donneurs/preneurs ou bien aidants/aidés.


Des solidarités intéressées ?

En s'intéressant aux réponses apportées au développement du travail indépendant, il nous a semblé que les relations se développant entre les acteurs des espaces de coworking ou des CAE pouvaient être traversées par des intérêts économiques. Cet élément fait écho au constat dressé par A. Burret, suite à une étude menée au sein de Tiers-Lieux, ou à certaines études d’impact initiées par des espaces de coworking. Les relations entre acteurs au sein de ces espaces apparaissent alors comme “hybrides” et assez complexes : il semble souvent s’agir de formes de solidarité traversées par les intérêts économiques des acteurs en présence. Si du lien social se crée au sein de ces communautés dans une ambiance conviviale, cette situation constitue aussi un “terreau” propice aux coopérations économiques et au développement de l’activité des acteurs. Il ne s’agit ainsi peut être pas de solidarités totalement “désintéressées”.


Des lieux pour la solidarité ?

L’importance de ces “lieux du partage”, comme espaces inclusifs et solidaires, réside notamment dans leur capacité à faire émerger de nouvelles pratiques collaboratives, au delà du projet initial. Ils sont susceptibles de stabiliser une communauté et de s’ouvrir à une diversité croissante d’acteurs. Les espaces de coworking et les fablabs sont souvent les premiers projets évoqués dès lors que l’on parle des tiers-lieux ou des lieux dédiés au partage. Cependant, nos échanges ainsi que l’état des lieux effectués sur les territoires pilotes nous ont montré une réalité plus riche au sein de ces lieux hybrides. Des ateliers d’échanges de savoirs aux zones de gratuité en passant par les groupements d’achats et les jardins partagés, les pratiques collaboratives fleurissent au sein de ces espaces. Dans des territoires frappés par un certain désengagement des services publics de proximité, de tels lieux peuvent également permettre de répondre, ou du moins de mettre en lumière, des besoins mal pris en compte par les acteurs publics ou privés.


Le rôle de l'acteur public.

L’acteur public peut contribuer/faciliter la diversité et l’ouverture des communautés afin de limiter l’entre soi au sein des communautés se rassemblant autour de ces projets. Il peut ainsi favoriser un certain degré d’ouverture de ces pratiques collaboratives. Les acteurs publics agissent ainsi comme des garde-fous de l’équité démocratique au sein de ces communautés. Cependant, nous avons également souligné la nécessité d’un changement de posture de l’acteur public vis à vis de ces initiatives. Il nous a semblé que ce dernier devait intervenir comme facilitateur, comme partenaire visant à “faire avec” plutôt qu’à “faire pour”. Sans directement porter le projet, l’acteur public peut faciliter son développement et sa pérennité, par sa connaissance des réseaux locaux notamment.


Membres du groupe de travail : Jacques Chessé, Conseil de Développement du Pays de Châteaubriant ; Norbert Friant, Rennes Métropole ; Yannick Goinard, Conseil de Développement du Pays de Châteaubriant ; Anne-France Kogan, Institut Mines-Telecom Nantes ; Victor Lanselle, Programme Domino ; Marc Letourneux, Conseil Général de Loire-Atlantique ; Nathalie Wright, Rennes Métropole

Ressources